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table des matières du Purgatoire d'après les Révélations de Saints

Chapitre 5   Des différentes divisions du Purgatoire  p.90 - 105

Des trois grandes divisions du Purgatoire d'après sainte
Françoise Romaine. - Du Purgatoire supérieur. - Des âmes qui ne
souffrent que la peine du dam. - De celles qui n'ont que des peines
légères.- De la région moyenne du Purgatoire. - De la région
intérieure et de ses trois sous-divisions. - Du Purgatoire des laïcs.

90:
Nous avons déjà entrevu dans sainte Madeleine de Pazzi et
dans les
différentes révélations que j'ai fait connaître que le
Purgatoire n'est
pas un lieu unique, mais qu'il se subdivise en plusieurs
cachots
distincts, selon le plus ou moins de gravité des péchés à
expier.
Pour mieux connaître la division de ce lieu de supplices,
il faut
recourir à la célèbre vision de sainte Françoise Romaine,
qui nous donne la
topographie exacte, et comme la carte géographique du
royaume de la douleur
(Bolland,  Vie de Ste Françoise, 9 mars).

Sainte Françoise nous apprend que le Purgatoire est divisé
en
trois parties distinctes : dans la région la plus élevée,
sont
les âmes qui n'ont à souffrir que la peine du dam ou tout
au plus
quelques peines légères et de peu de durée ; au milieu,
est la
région moyenne, où elle vit écrit en grosses lettres le
mot : Purgatoire, là sont renfermées les âmes qui ont
commis
des fautes légères, mais qui exigent cependant une
expiation sensible.

Cette région est partagée en trois zones distinctes. La
première
est comme un étang glacé, la seconde et remplie
91:
de poix
mêlée
d'huile bouillante, la troisième est remplie
d'un métal qui ressemble à de l'or ou à de l'argent en
fusion.
Des anges au nombre de trente-six, sont chargés par Dieu
de
plonger alternativement ces âmes de l'étang glacé dans le
bain
d'huile bouillante ou de métal, et ils s'acquittent de ce
ministère, avec grand respect et grande charité, pour les
pauvres âmes ainsi tourmentées.

Enfin tout au fond de l'abîme et dans le voisinage de
I'enfer,
est la troisième région, ou le Purgatoire inférieur, tout
rempli
d'un feu clair et pénétrant, en quoi il diffère du feu de
l'enfer qui est obscur et ténébreux. Dans cette région
inférieure, il y a aussi trois lieux séparés. Le premier,
où l'on souffre moins, pour les laïcs qui ont des fautes
graves à expier; le second, où les peines sont plus
grandes,
 pour les clercs non encore honorés du Sacerdoce et pour
les religieux et religieuses. Le troisième, où les peines
sont encore plus intolérables, pour les prêtres et les
Évêques.

Je reviendrai, au chapitre suivant, sur ce triste sujet du
Purgatoire des prêtres et des religieuses; pour le moment,
je me contenterai de dire quelques mots de chacune de ces
trois divisions du Purgatoire.

Qu'il y ait un Purgatoire supérieur, où les âmes
n'éprouvent
aucune peine sensible, c'est ce dont nous ne pouvons
douter,
car indépendamment des révélations si précises de sainte
Françoise Romaine, un grand nombre de révélations
particulières
confirment ce fait. La sainte Vierge prit là peine de
révéler
elle-même à sainte Brigitte qu'il y a un Purgatoire
spirituel,
appelé Purgatoire de désir, dans lequel sont retenues les
âmes
qui n'ont aucune expiation à subir, mais qui, dans les
jours de
leur vie mortelle, n'ont pas assez soupiré après leur
Créateur.
Parmi les révélations très nombreuses qui confirment cette
92:
doctrine, j'en choisirai seulement quelques-unes, pour ne
pas trop allonger ce récit.

On lit dans la vie de sainte Madeleine de Pazzi qu'une de
ses sœurs nommée Marie-Benoîte-Victoire, religieuse d'une
éminente vertu, étant morte entre ses bras, elle aperçut
pendant son agonie une multitude d'Anges qui l'environnaient
d'un air joyeux, attendant son âme pour la porter
dans la Jérusalem céleste; au moment où elle expira, la
sainte les vit recevoir cette âme bienheureuse, sous la
forme d'une colombe, dont la tête était dorée, et
disparaître avec elle. Trois heures après, veillant auprès du
saint corps, en compagnie d'une sœur nommée Pacifique
de Tonaglia, celle-ci interrompit ses prières pour lui
demander : où est notre sœur à présent? au Ciel ou dans
le Purgatoire?" - " Ni dans l'un, ni dans l'autre ",
répondit la sainte.  La sœur frémit intérieurement
à cette réponse, dont elle croyait pénétrer le sens;
mais elle ne dit rien pour le moment; quelque temps
après, en récitant avec Madeleine l'office des défunts,
il lui arriva de terminer un psaume par le Gloria
Patri. " Je me trompe, reprit-elle aussitôt: Requiem
aeternam. " " Vous ne vous trompez pas, répliqua la
sainte, cette âme n'a pas besoin qu'on demande pour
elle le repos."  Sœur Pacifique ne comprit pas encore,
mais elle n'osa pas interrompre sa compagne.

Le lendemain matin, comme on célébrait la messe pour
la défunte, au Sanctus, Madeleine fut ravie en extase
et Dieu lui fit voir cette âme bienheureuse dans la
gloire où elle était entrée; elle avait sur le front
une étoile d'or, signe et récompense de son ardente
charité; ses doigts étaient chargés d'anneaux précieux,
et la couronne qu'elle portait était plus riche que
celle d'une autre religieuse de grande perfection,
qui était morte un peu auparavant.

La raison de cette différence, c'est que, pendant sa vie,
93:
cette bonne religieuse, lorsqu'elle souffrait, ne s'était
pas assez défendue de quelque légers retours sur elle-même,
au lieu que Marie-Benoîte avait un tel désir de souffrir
qu'il lui semblait toujours qu'elle n'endurait rien pour
le Bien-Aimé. De plus, elle avait toujours parlé
avantageusement du prochain, et avait traité ses sœurs pendant
tout le temps de sa vie, avec une charité aussi douce que
cordiale; en récompense de quoi, la bouche appliquée sur
le côté sacré du Sauveur, elle buvait à longs traits un
breuvage délicieux. À ce spectacle, Madeleine, ravie, hors
d'elle-même, se mit à la féliciter tout haut de son
bonheur; ensuite elle demanda au Sauveur Jésus pourquoi
il n'avait pas admis plus tôt cette bonne âme en sa sainte
présence; en effet elle avait passé cinq heures, non dans
le Purgatoire, mais dans un lieu particulier, où sans
souffrir aucune peine sensible, elle était privée de la
vue de son Dieu. Elle reçut pour réponse que, dans sa
dernière maladie, cette sœur s'était montrée trop sensible
aux peines que l'on se donnait pour elle, ce qui avait
interrompu quelque temps son union habituelle avec Notre-Seigneur.

À cause de ce reste d'amour-propre, il avait fallu qu'elle
subît ce retardement à la jouissance de son tout, pour
être entièrement purifiée.

La même sainte vit, une autre fois, une religieuse de
sa communauté qui venait de mourir, toute brillante de
clartés ; les mains seules étaient encore privées de
cet éclat céleste, à cause de certaines imperfections
contraires au vœu de pauvreté. Au bout de quelque temps,
les mains s'irradièrent à leur tour, et elle fut mise
en pleine jouissance de la gloire. (Vie de sainte
Madeleine, chap. x. )

Le père François-Gonzague, depuis évêque de Mantoue,
rapporte un fait du même genre dans son livre de l'origine
de la religion Séraphique (IVè partie, n 7).
94:
 Frère Jean de Via, franciscain d'un grand mérite, tomba
malade et mourut dans ni) couvent des îles Canaries. Son
infirmier, frère Ascension, fort avancé, lui aussi, dans la
perfection religieuse, priait pour le repos de son âme,
quand il aperçut devant lui un religieux de son ordre,
tout baigné de rayons lumineux, qui remplissaient la cellule
d'une douce clarté; le frère tout hors de lui, ne re
connut pas pour lors l'apparition et n'osa lui demander
son nom; elle se renouvela ainsi, une seconde et une
troisième fois. A la fin, le frère Ascension s'enhardit :
- " Qui êtes-vous donc, demande-t-il ? Pourquoi venez -vous
si souvent en ce lieu ? Je vous conjure, au nom de Dieu,
de me répondre. " - " Je suis, répond l'esprit, l'âme du
frère Jean de Via, qui vous suis bien reconnaissant pour
les prières que vous faites monter au ciel en ma faveur.
Je viens vous apprendre que, grâce à la divine miséricorde,
je suis dans le lieu de salut parmi les prédestinés à la
gloire, et ces rayons vous en sont une preuve, cependant
je n'ai pas encore été jugé digne de voir la face du Seigneur,
à cause d'un manquement qu'il me faut expier. Durant
ma vie terrestre, j'ai oublié, par ma faute, la récitation de
certains offices pour les défunts, à quoi j'étais obligé par
la règle. Je vous conjure, au nom de l'amour que vous
avez pour Jésus-Christ, faites en sorte que ces offices soient
acquittés pour moi, afin que je puisse jouir de la vue de
mon Dieu. " Frère Ascension courut raconter sa vision au
père gardien ; on s'empressa d'acquitter les offices de
mandés, et, dès que cette obligation fat remplie, l'âme
du frère Jean de Via, se fit voir de nouveau, mais bien
plus brillante encore; elle était en possession de la félicité
complète.

Voici encore un fait du même genre, tiré des révélations de
sainte Gertrude :
95:
Une pieuse religieuse était morte, à la fleur de son âge,
dans le baiser du Seigneur. Pendant les jours de son
pèlerinage, elle s'était fait remarquer par une tendre
dévotion au Saint-Sacrement; après sa mort, Gertrude la
vit, toute brillante de célestes clartés, agenouillée
devant le divin Maître, qui laissait échapper, de ses
plaies glorifiées, cinq rayons enflammés qui allaient
doucement frapper les cinq sens de la défunte. Elle gardait
néanmoins sur le front comme un nuage d'ineffable
tristesse : " Seigneur Jésus, s'écria la sainte, comment
pouvez-vous illuminer de la sorte votre servante, sans
qu'elle éprouve une joie parfaite? " - " Jusqu'à cette
heure, répondit le doux Maître, cette sœur a été jugée
digne de contempler seulement mon humanité glorifiée et
de jouir de la vue de mes cinq plaies, en considération
de sa tendre dévotion au mystère de l'Eucharistie mais
elle ne peut pas être admise à la vision béatifique, par
suite de quelques taches légères qu'elle à contractées
dans l'observation de ses règles. "

La sainte ayant intercédé pour elle, Notre-Seigneur lui
fit connaître qu'à moins de nombreux suffrages en sa
faveur, il lui fallait attendre jusqu'à l'entier
accomplissement de sa peine; ainsi l'exigeait la justice divine
qui ne peut rien relâcher de ses droits, en l'autre monde.
Cette âme le comprenait si bien d'ailleurs que, malgré
son ardent désir de voir Dieu, elle fit signe à Gertrude
qu'elle ne voulait pas être délivrée avant d'avoir
satisfait entièrement pour ses fautes, et Notre-Seigneur,
en signe de particulière bienveillance, étendit la main
sur sa tête et la bénit.

On avait recommandé aux prières de la bienheureuse
Marguerite-Marie, l'âme d'une supérieure de la Visitation,
nouvellement décédée. Au bout de quelque temps, Notre-Seigneur
lui assura que cette Âme lui était fort chère pour
96:
l'amour et la fidélité qu'elle avait eus à son service, dont il lui
gardait une ample récompense dans le ciel, après qu'elle aurait
achevé de se purifier dans le Purgatoire, où il la lui fit voir,
recevant de grands soulagements dans ses peines, par
l'application des suffrages et bonnes œuvres qui étaient toujours
offerts pour elle.

Il s'agissait, comme on peut le voir par les mémoires de la
Visitation, de la mère de M... supérieure d'Annecy, décédée en
odeur de sainteté le 5 février 1683. Or, le jeudi saint de la même
année, la bienheureuse priant pour elle devant le Saint-
Sacrement, Notre-Seigneur la lui fit voir sous le pied du calice
dans lequel il reposait lui-même; là cette âme achevait de se
purifier, recevant participation de l'agonie de Notre-Seigneur au
jardin des Olives. Le jour de Pâques, elle la vit dans un état de
félicité consommée, et le dimanche du bon Pasteur, elle la vit
comme se perdant et s'abîmant dans la gloire, en proférant ces
paroles : "L'amour triomphe, l'amour jouit, l'amour en Dieu se
réjouit." Son Purgatoire avait duré plus de deux mois. (Vie de la
bienh. Marguerite-Marie. Lettre d la M. Greyfié.)

Voici maintenant, pour terminer ce sujet, l'histoire très
authentique d'une âme qui passa un temps assez long dans cette
douloureuse épreuve de l'attente de Dieu; je la citerai tout au
long afin de faire connaître les sentiments intérieurs de ces
saintes âmes. Puissent leurs ardeurs brûlantes réchauffer un peu
nos pauvres cœurs glacés, qui ont tant de peine à comprendre,
pendant les jours de l'exil, cette faim et cette soif de Dieu ! Ce
récit a été examiné et approuvé par le vicaire général de
l'archevêque de Trèves, il présente par conséquent des garanties
sérieuses de vérité; on le trouve dans le P. Nieremberg, (de
Pulchritudin. Dei, lib. 11, cap. II.)
97:
Le jour de la Toussaint, une jeune fille d'une rare piété et
modestie, vit apparaître devant elle l'âme d'une dame de sa
connaissance, morte un peu auparavant; elle lui fit connaître
qu'elle ne souffrait que de la privation de Dieu, mais elle ajouta
que cette privation était pour elle un supplice intolérable. Elle se
fit voir ainsi à elle plusieurs fois, et presque toujours dans
l'église, parce que, ne pouvant voir Dieu face à face dans le ciel,
elle s'en voulait dédommager en le contemplant au moins sous les
espèces Eucharistiques.

Du reste, rien ne saurait donner une idée de sa profonde adoration
et de son respect sans bornes dans l'église. Quand elle assistait
au divin sacrifice, au moment de l'élévation, son visage s'irradiait
de telle sorte qu'on eût dit un séraphin descendu du ciel; la jeune
fille en était dans l'admiration, et déclarait n'avoir jamais rien vu
de beau. Quand son amie communiait, cette âme l'accompagnait à
la sainte table et demeurait auprès d'elle tout le temps de son
action de grâces comme pour participer à son bonheur et jouir
elle aussi de la présence de Jésus. Elle était vêtue de blanc, un
voile de même couleur sur la tête, et tenait ordinairement un long
rosaire à la main, signe de la tendre dévotion qu'elle avait
toujours professée pour la reine du ciel.

Un jour que la jeune fille, avec quelques compagnes, décorait
l'autel de la bonne Mère, toutes s'inclinèrent, après avoir fini leur
tâche, pour baiser les pieds de la statue; les ayant embrassés
deux fois, une fois pour elle-même et la seconde pour son amie de
l'autre monde elle la vit accourir toute joyeuse qui la remerciait avec
affection. Ce jour-là, elle lui apprit qu'elle avait fait vœu autrefois
de faire dire trois messes à l'autel de la très sainte Vierge, et que
n'ayant pu l'accomplir, cette dette
98:
sacrée ajoutait à son tourment; elle la pria donc de s'en
acquitter à sa place, ce qu'ayant fait la jeune personne, la
défunte lui apparut toute joyeuse pour la remercier, et
en reconnaissance elle lui conseilla de ne jamais faire de
vœu, à moins qu'elle ne fût bien résolue à l'accomplir,
car la justice de Dieu est impitoyable à cet égard.

Elle l'exhortait en même temps à une filiale dévotion envers Marie,
spécialement à se souvenir de ses douleurs sur le Calvaire. Quand
vous rencontrerez quelqu'une de ses images, lui disait-elle, ayez soin de
la saluer en répétant ces trois invocations des litanies. Mater
admirabilis, Consolatrix afflictorum, Regina sanctorum omnium. Plus vifs
seront votre amour et votre dévotion envers cette bonne
mère, plus assurée et plus efficace sera son assistance, au moment terrible
du jugement qui fixe notre sort éternel.

Elle lui conseillait aussi d'avoir une tendre charité et compassion pour
les pauvres âmes du Purgatoire qui sont si à plaindre, puisqu'elles
ne peuvent s'aider. " Offrez pour elles, lui disait-elle, vos prières, vos
pénitences, vos bonnes œuvres, elles vous le rendront bien plus
tard, quand elles seront devant Dieu. "

Un jour, docile à ces conseils, la jeune fille récitait cinq Pater et cinq
Ave, les bras en croix, pour les défunts, l'apparition accourut, et lui
soutenait les bras pour l'aider dans sa prière.

Un autre jour, pendant qu'elle lui parlait à l'église, la clochette de
l'élévation s'étant mise à sonner à un autel voisin elle y courut aussitôt,,
et se prosternant, adora Notre-Seigneur avec un profond respect. Chaque
fois qu'elle prononçait, ou entendait prononcer les noms
sacrés de Jésus et de Marie, elle s'inclinait dans un recueillement
angélique.
99:
Cependant les jours passaient, sans que, malgré ses ardents désirs et les
prières de son amie, cette sainte âme fût admise devant la face
du Seigneur. Le 3 décembre, fête de saint François-Xavier, sa protectrice
devant communier à l'église des pères jésuites, l'invita à s'y
trouver; la défunte fut fidèle au rendez-vous, l'accompagna à la sainte
table, et demeura auprès d'elle tout le temps de son action de
grâces qui fut fort long, alors elle la remercia et lui annonça que
l'épreuve touchait à sa fin. Le 8 décembre, fête de l'Immaculée
Conception, elle revint encore, mais elle était déjà si brillante que son
amie ne pouvait la regarder. Enfin le 10 décembre, pendant la sainte
messe, la jeune fille la vit dans un éclat plus merveilleux encore; elle
s'approcha de l'autel, qu'elle salua respectueusement, remercia son
amie de ses prières, et monta au ciel en compagnie de son Ange gardien; elle
allait enfin jouir de la vue de celui après lequel elle avait tant soupiré.

De tout ceci ressort clairement l'existence d'un Purgatoire supérieur, où
les âmes achèvent de se purifier, à l'abri de tout supplice, et par la
seule ardeur de leurs désirs. D'autres apparitions nous apprennent encore
que plusieurs âmes sont tourmentées sensiblement, mais
d'une manière légère, bien qu'elles soient déjà entrées en partie dans la
gloire des élus. Ceci se rapporte parfaitement à l'opinion la plus
commune des théologiens, qu'il y a dans le Purgatoire certaines peines
inférieures à celles que l'on éprouve en ce monde.

Sainte Madeleine de Pazzi vit un jour une de ses sœurs revêtue d'un
manteau de feu, dont elle était préservée en grande partie par une
robe formée de lis entrelacés. Le manteau était le châtiment de son trop de
recherche dans l'habillement, et la robe de lis la récompense de
son admirable pureté
100:
Un religieux dominicain, grand prédicateur dans son ordre,
apparut ainsi à Cologne, couvert de vêtements magnifiques, une
couronne d'or sur la tète. Ces ornements représentaient les âmes
qu'il avait sauvées par ses prédications, et la couronne d'or était
la récompense de sa parfaite exactitude à accomplir tous les
points de sa règle et de sa pureté d'intention. En même temps, la
langue endurait des tourments à cause de sa trop grande facilité
à dire le mot pour rire et à plaisanter, ce qui ne convient pas aux
religieux et moins encore à un prêtre. (Voir Rossignoli, Merv. du
Purg., LXXXIIIè  merv.)

Il nous faut maintenant descendre dans la région moyenne du
Purgatoire; ce lieu, d'après la description de sainte Françoise
Romaine que nous avons vue plus haut, convient parfaitement à
ce que sainte Madeleine de Pazzi nous a appris du cachot où
sont renfermées les âmes qui ont péché par ignorance ou par
faiblesse; même genre de fautes, mêmes supplices mitigés, même
expiation par le feu et par la glace. Pour mieux faire connaître
cette région intermédiaire, je transcrirai ici ce que sainte
Madeleine nous apprend de l'âme de son frère, qu'elle reconnut
en cet endroit (Vie de la sainte par son confesseur, ch. x).

 La première fois qu'elle aperçut l'âme de son frère
livrée à ces tourments excessifs, si on les compare à ceux
de la terre, bien que légers par rapport à ceux du Purga-
toire inférieur, elle s'écria : " 0 frère misérable et bien-
heureux tout ensemble!  ô âme affligée et pourtant
glorieuse! ces peines sont intolérables, et cependant elles
sont supportées avec joie; que n'est-il donné de les coin-
prendre à ceux qui manquent de courage pour porter leur
croix ici-bas 1 Pendant que vous étiez dans le monde, ô
mon frère, vous ne vouliez pas m'écouter, et maintenant,
vous désirez ardemment que je vous écoute. Pauvre victime,
qu'exigez-vous de moi?
101:
Elle s'arrêta un moment et compta jusqu'à cent sept-, puis elle fit
connaître que c'était autant de communions que son frère lui
demandait d'une voix suppliante. " Oui, répondit-elle, je puis
facilement faire ce que vous demandez ; mais, hélas! qu'il faudra
de temps pour acquitter cette dette! oh! que j'irais volontiers
où vous êtes, si Dieu voulait me le permettre, pour vous délivrer
ou pour empêcher que, d'autres y descendent! Dieu de bonté,
l'amour que vous portez à vos créatures est bien supérieur à
celui qu'elles ont pour vous! Vous désirez qu'elles viennent à
vous avec plus d'empressement qu'elles n'en éprouvent elles-
mêmes, ô Dieu également juste et miséricordieux ! soulagez ce
frère qui vous servit dès son enfance, regardez-le avec bonté, je
vous en conjure, et usez de votre grande miséricorde à son
égard. Ô Dieu très juste, s'il n'a pas toujours été assez attentif à
vous plaire, du moins il n'a jamais méprisé ceux qui faisaient
profession de vous servir plus fidèlement. Il est vrai qu'il a
commis des fautes, mais il ne les louait ni ne les excusait. "
Après avoir dit ces mots, elle se mit,' toujours dans l'extase, à réciter
des psaumes pour le repos de l'âme de son frère, puis au sortir
de sa vision, elle courut, encore tout émue, chez la mère Prieure,
et tombant à genoux elle lui dit :

" 0 ma Mère, qu'elles sont terribles les souffrances du Purgatoire!
 je ne les aurais jamais crues telles, si Dieu ne me les eût
montrées. " Mon Dieu, disait-elle encore, après une vision du
même genre, je ne puis plus vivre sur cette terre, ni agir avec les
créatures, après avoir vu ces choses; " puis ayant vu la gloire qui
doit suivre cette purification sévère, elle dit d'un visage joyeux : " Non, je ne
vous appellerai plus  désormais peines cruelles, mais
avantageuses, puisque vous conduisez les âmes à une telle
gloire et à une si grande félicité. "
102:
On voit par ces passages que les peines de ce Purgatoire moyen
sont encore très grandes et surpassent de beaucoup tout ce que
l'on pourrait souffrir en ce monde, bien que, si on les compare aux
peines du Purgatoire inférieur, qui nous attendent bien
probablement, on soit tenté de s'écrier avec sainte Madeleine, et à
meilleure raison, heureuses peines! que je voudrais n'avoir jamais
à souffrir davantage !

Et maintenant pour être complet, il nous faudrait descendre dans
la région inférieure du Purgatoire, où sont punis les grands
pécheurs, les religieux et les prêtres. Mais comme je traiterai dans
un chapitre à part du Purgatoire des personnes consacrées à
Dieu, ce que j'ai dit au chapitre III de la rigueur des peines du
Purgatoire, et au chapitre IV des peines propres à chaque péché
suffit, je le crois, à nous faire bien connaître ces régions désolées;
c'est pourquoi je me contenterai de prendre çà et là, dans sainte
Françoise Romaine, quelques traits nouveaux pour faire mieux
connaître le Purgatoire des laïcs, qui ont des fautes graves à
expier.

On a vu que ce lieu est tout plein d'un feu clair et pénétrant. Les
âmes qui ont commis des fautes graves sont plongées par les
Anges dans ce feu qui les brûle plus ou moins, selon le degré de
culpabilité. On doit rester sept ans dans ce feu pour chaque péché
mortel que l'on a commis; quand le temps de cette expiation est
fini, les âmes montent au Purgatoire moyen pour y expier leurs
petites fautes.

La force des souffrances ainsi endurées dans le feu du Purgatoire
arrache sans cesse à ces pauvres âmes des gémissements
humbles et pieux, mais si plaintifs que personne ne pourrait
l'imaginer en cette vie ; toutes savent qu'elles souffrent
justement, qu'elles ont bien mérité
103:
les peines que la justice
divine leur inflige, et leurs plaintes tout
affectueuses, leur procurent quelque consolation ; ce n'est pas
qu'elles sortent du feu pour cela, mais Dieu voit avec bonté et
miséricorde qu'elles acceptent leurs souffrances, et elles en
reçoivent quelque soulagement, sachant bien qu'un jour elles
parviendront à la gloire.

 On voit aussi que les âmes du Purgatoire passent
ordinairement d'une région dans une autre ; c'est ce que con-
firme une apparition très intéressante, arrivée dans les
mois de septembre à décembre 1870, au monastère des
Religieuses Rédemptoristes, à Malines, en Belgique.
Comme cette révélation à été examinée et approuvée par
l'autorité épiscopale, je ne crains pas de la citer malgré la
date toute récente,

Le père d'une religieuse de ce couvent, nommée sœur Marie-
Séraphine, et dans le monde Mademoiselle Angèle Aubépin, étant
venu à mourir, apparut pendant trois mois à sa fille, pour lui
demander des prières.

Pendant un peu plus du premier mois, il lui apparut tout
enveloppé de flammes, et lui criant : " Pitié, ma fille,
aie pitié de ton père. Regarde, lui dit-il un jour, regarde cette
citerne de feu où je suis plongé! nous sommes ici
plusieurs centaines. Oh ! si l'on savait ce que c'est que le
Purgatoire, on ferait tout pour l'éviter et pour secourir
ces pauvres âmes qui y sont renfermées. " En même temps, du
milieu des flammes où il était plongé, il s'écriait continuellement : "
J'ai soif! j'ai soif! "

A partir du 14 octobre, le pauvre patient, quoique livré aux plus
affreuses tortures, ne parut plus environné de flammes; sans
doute il était passé à la région moyenne du Purgatoire.

Étant dans cette deuxième période, il dit un jour à sa fille que les
théologiens n'avaient rien exagéré, en enseignant
104:
que les tourments des martyrs sont inférieurs à ceux que
subissent les âmes du Purgatoire ; et la veille de la Toussaint, la
religieuse lui ayant demandé, d'après l'ordre de son confesseur,
sur quel sujet il fallait prêcher le jour de la fête : " Hélas! lui
répondit-il, les hommes ignorent, ou ils ne croient pas assez que
le feu du Purgatoire est semblable à celui de l'Enfer ; si on
pouvait faire une seule visite au Purgatoire, on ne voudrait plus
commettre un seul péché véniel, tant on y est rigoureusement
puni. "

Le 30 octobre, la religieuse entendit son père, prononcer ces
paroles avec un douloureux soupir : " il me semble qu'il y a une
éternité que je suis ici; ma plus grande peine maintenant est une
soif dévorante de voir Dieu et de le posséder, je m'élance sans
cesse vers Lui, et je me sens constamment repoussé dans
l'abîme, parce que je n'ai pas encore pleinement accompli ma
peine. "

On petit augurer de ces paroles, qu'il était déjà passé au
Purgatoire supérieur ; d'ailleurs, le 5 décembre, on n'en put
douter, car il apparut déjà tout resplendissant, à travers une
auréole de tristesse.

Du 3 décembre au 12, l'apparition ne revint pas mais le 12 et les
trois jours suivants, elle se montra de plus en plus
resplendissante.

Enfin, pendant la messe de minuit, entre les deux élévations, le
défunt apparut, pour la dernière fois, tout éblouissant de lumière
et de béatitude. J'ai achevé mon temps d'expiation, dit-il à sa fille,
je viens te remercier, toi et ta communauté qui a tant prié pour
moi. À mon tour, je prierai pour vous toutes. Je demanderai pour
toi une soumission parfaite à la volonté de Dieu, et la grâce
d'entrer dans le ciel sans passer par le Purgatoire. "

Ce furent ses dernières paroles; sa fille ne put qu'entre-
105:
-voir
son visage, car il était perdu et comme abîmé dans la
lumière..

Cette histoire est fort remarquable, en ce qu'elle montre comment
les différentes divisions du Purgatoire sont unies, et comment les
âmes passent de l'une dans l'autre, selon les différents degrés de
leur expiation. C'est ainsi que Dieu rend à chacun selon ses
œuvres et fait concorder exactement la mesure de la peine avec
celle de la faute, tenant compte aux âmes, dans sa justice et sa
miséricorde, du plus ou moins de grâces accordées, du plus ou
moins de lumières reçues, car selon la parole de l'Écriture:
il sera demandé davantage à qui aura reçu davantage.
Cui multum datum est multum quoeretur ab eo.
fin page 105.

page éditée par Sébastien Larochelle  (p.90-105) et www.Purgatoire.Net
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